Aujourd’hui, on parle d’un sujet qui m’a été pas mal demandé et que je n’ai cessé de repousser parce que… ben parce que c’est un gros morceau qui n’est pas facile à traiter et sur lequel j’avais peur de me casser les dents. Voilà. Autant être honnête avec vous.
Mais j’ai fini par prendre mon courage à deux mains et à m’y coller ! À vous de me dire en fin d’article si le pari est réussi ou pas ! 😉
Aujourd’hui, je vous explique donc comment écrire des scènes de combat !
J’avais déjà brièvement abordé le sujet dans la FAQ #1 : Écrire de la Fantasy, mais, dans cet article-ci, je compte bien tout vous expliquer en profondeur (en tout cas, je vais essayer).
Un petit mot avant de commencer : n’oubliez pas que le sondage concernant le nouveau visuel pour les articles de magie est toujours ouvert : L’identité visuelle de la série sur la Magie
Généralités
J’aimerais commencer par vous rappeler qu’une scène de combat, c’est comme une scène de sexe : il faut qu’elle serve le récit.
Placer une scène de combat dans le seul but d’avoir de la violence pour la violence, ça ne sert à rien.
En général, les scènes de combat servent à faire évoluer le personnage et/ou l’intrigue, il doit toujours y avoir un enjeu scénaristique à la clé. Ainsi, une scène de combat peut être utile pour :
- approfondir la psychologie d’un personnage
- faire perdre ou gagner des valeurs, des compétences ou des atouts (physiques, matériels ou moraux) au personnage
- introduire un nouvel élément à l’intrigue (une révélation, permettre au personnage de passer à l’étape suivante…)
- etc.
Faites également attention au niveau de violence de la scène : restez dans le ton de votre livre. Ne faites pas du gore juste pour faire du gore alors que le reste de votre récit est assez calme et n’édulcorez pas non plus les scènes alors que vous êtes censé-e décrire un gros bourrin assoiffé de sang qui massacre ses victimes.
Restez cohérent-e par rapport à la puissance de vos personnages (il n’y a rien de pire que de voir un personnage devenir surpuissant le temps d’un combat sans la moindre explication), à leur situation (fatigue, blessure, pression psychologique…), au lieu du combat (terrain glissant, accidenté…) et aux conditions (jour, nuit, pleine lune, canicule, tempête…). Tous ces facteurs affectent le combat, les facultés des personnages et les décisions qu’ils vont prendre.
De même, n’oubliez pas que, en moyenne, les facultés des femmes sont égales à celles des hommes : un flanc transpercé aura le même impact sur un homme que sur une femme. Je vous dis ça parce que, récemment, j’ai lu un livre dans lequel les hommes semblaient avoir des super-pouvoirs de résistance à la douleur, aux commotions cérébrales, aux balles de fusil dans l’abdomen et aux os brisés alors que les femmes supportaient à peine un hématome au visage suite à un coup de poing…
Restez cohérent-e également avec le point de vue. Ne changez pas de narrateur ou de focalisation le temps du combat sous peine de perdre le lecteur.
Enfin, ne faites pas vos scènes de combat trop longues en faisant durer le suspens ou en ajoutant des rebondissements à outrance. Vous risqueriez de vous perdre vous-même et d’ennuyer votre lectorat.
La préparation de la scène de combat
Comme pour tout, le niveau de préparation d’une scène de combat est propre à chacun-e et il n’y a que vous pour savoir de quoi vous avez besoin.
Le minimum que je vous conseille de faire tout de même, c’est de visualiser la scène une première fois dans votre tête avant de l’écrire. Cela vous permettra d’avoir les idées plus claires au moment de la rédaction et de savoir dans quel ordre raconter les choses. Une scène de combat où tout est dans le désordre n’est pas intéressante.
Bien entendu, rien ne vous empêche non plus de l’écrire d’abord et de la remettre dans l’ordre après.
Pour le reste, vous pouvez :
- Faire une fiche chronologique des actions, pour être sûr-e de ne rien oublier et de tout raconter dans l’ordre. Une scène de combat doit être fluide et passer son temps à revenir en arrière pour expliquer que Plectrude a ramassé son épée avant d’essayer d’embrocher Jean-Eudes, qui avait, au préalable, brandi son bouclier… Non. Expliquez les choses dans l’ordre, un combat est déjà confus de base, vous devez donc être clair dans vos propos.
- Faire des fiches de vocabulaire propre au combat et aux armes que vos personnages utilisent. Si vous êtes aussi tatillon-e que moi lors de l’écriture de votre premier jet, cela vous évitera de devoir sortir de votre concentration juste parce que vous cherchez un synonyme à « coup de poing » et si vous ne l’êtes pas, vous gagnerez un temps fou lors de la correction pour supprimer les répétitions.
- Noter succinctement (ou pas) les enjeux (conscients ou inconscients) du combat : Qu’est-ce que votre ou vos personnages risquent ? Qu’y a-t-il à perdre en cas de défaite ou de victoire ? Qu’y a-t-il à gagner en cas de défaite ou de victoire ? (Des valeurs morales, des apprentissages, des personnes, des objets…)
- Noter succinctement (ou pas) le rôle de la scène dans votre intrigue : Que va-t-on apprendre à propos de votre ou vos personnages ? Quelle révélation ? Quelle sera l’étape suivante ?…
L’écriture de la scène de combat
Une scène de combat peut se subdiviser en 3 étapes :
1. L’amorce
Il s’agit de la phase de préparation au combat, le calme avant la tempête.
L’amorce sert à :
- présenter les enjeux du combat (mais pas nécessairement, les enjeux peuvent aussi être découverts pendant ou après la scène)
- planter le décor : les descriptions étant à proscrire pendant le combat en lui-même, si vous voulez parler de la beauté des éclats flamboyants du soleil couchant qui enflamment les armures étincelantes des belligérants ou expliquer la nature du terrain qui va accueillir l’affrontement, c’est le moment, c’est l’instant ! Mais ne vous épanchez pas non plus dans des descriptions à rallonge, rappelez-vous que vous êtes là pour faire monter la pression
- mettre en place l’ambiance en décrivant les gestes des personnages (s’ils se lèvent, dégainent leurs épées, préparent leurs incantations…) et leurs pensées
- faire échanger les personnages une dernière fois avant la baston : on n’arrête pas un combat pour laisser place à un monologue ou un dialogue, donc si vous voulez en placez un, c’est maintenant.
Dès cette phase, commencez déjà à raccourcir vos phrases et à utiliser un vocabulaire plus précis et un champ lexical en rapport avec le combat.
2. Le combat
Vous l’avez deviné, il s’agit de la scène de castagne à proprement parler.
Les scènes de combat sont des scènes qui doivent être dynamiques, haletantes et riches en émotions. Exit donc les descriptions à rallonge, les plongées dans les pensées de vos personnages, les envolées lyriques, les questionnements existentiels, etc.
Voici quelques techniques pour écrire une scène de combat efficace :
- Écrivez des phrases courtes qui se succèdent permet de créer une forme de halètement, comme si le lecteur était aussi essoufflé que le personnage.
- Si vous avez bien votre scène en tête, vous devriez être capable de pouvoir vous la passer stop motion pour réussir à capter les moindres mouvements de vos personnages de manière à pouvoir tous les décrire, quitte à trancher dans le vif par la suite.
- Évitez les onomatopées, sauf si vous écrivez pour les enfants ou un roman humoristique.
- Limitez les paraphrases et les descriptions.
- Décrivez les actions avec précision et concision. Attention, ne confondez pas concision et simplicité, il faut que vous racontiez les choses, pas que vous les disiez. On n’écrit pas « Il frappa Machin. Et Machin mourut », mais « Sa hache s’abattit dans un bruit sourd. C’en était fini de Machin. »
- Optez pour un vocabulaire et un champ lexical adaptés au combat : encore une fois, à moins que vous n’écriviez quelque chose de très spécifique ne mélangez pas le champ lexical du combat avec ceux de la cuisine et/ou de la danse, par exemple. De même opter pour des mots durs, des dénominations précises, des explications concises… afin de ne pas ralentir l’action et d’accentuer (ou d’atténuer) un effet de cruauté, de violence…
- Écrivez à la voix active : c’est déjà un conseil qu’on donne en règle général, mais c’est encore plus valable pour les combats. La voix passive a tendance a ralentir la lecture. Vous pouvez toutefois l’utiliser avec parcimonie pour renforcer l’idée que votre personnage est acculé par son ennemi, par exemple.
- Limitez les dialogues au strict minimum : comme dit plus tôt, vos personnages ne sont pas là pour tailler une bavette, mais pour trancher dans le lard, du coup faites-leur économiser leur salive. Bien entendu, une petite insulte ou une petite provocation, ça fait toujours plaisir, mais ce n’est pas le moment idéal pour votre méchant d’exposer son plan machiavélique ou pour votre gentil d’exposer ses valeurs chevaleresques.
- Décrivez les sensations (douleurs, joie d’avoir touché l’adversaire, essoufflement…) et les attitudes des personnages afin d’augmenter les émotions ressenties par le lectorat. Pensez aux 6 sens.
- Respectez la chronologie : je sais que je me répète, mais c’est hyper important, racontez votre scène sans passer votre temps à des rappels temporels à base d’avant que, après que, etc.
- Prenez en compte l’entièreté des corps des combattants et des armes : un combattant ce n’est pas que des pieds, des bras et une tête ; une épée ce n’est pas qu’une lame. Vous pouvez jouer avec toutes les parties du corps : les dents, les genoux, les coudes, les épaules, les cuisses… ; et avec toutes les parties d’une épée : le pommeau, la garde, les quillons, le fourreau…
- Limitez les rebondissements et n’utilisez pas les mêmes deux fois de suite. De même, faites varier les dominations, mais, encore une fois, ne tirez pas en longueur.
- Respectez les forces et les faiblesses des personnages.
- Restez cohérent-e avec les règles de votre univers.
3. L’issue
C’est la phase de retour au calme, mais aussi de conclusion.
Vous pouvez vous permettre plus de descriptions et des phrases plus longues.
Cette phase peut servir à :
- expliquer ce que le ou les personnages ont gagné ou perdu
- faire le point sur l’état émotionnel (et physique) du ou des personnages
- faire le point sur l’intrigue
- laisser au lectorat le temps de récupérer de ce qu’il vient de vivre et/ou de digérer ce qu’il vient d’apprendre
- placer un cliffhanger
Les différents types de scènes de combat
Il existe différents types de scène de combat. Mais rassurez-vous, si les principes sont différents, les techniques stylistiques restent les mêmes. Il vous faudra surtout gérer les ambiances et les champs lexicaux de manière différente.
La bagarre
Dans ce type de scène, on se retrouve surtout dans du 1 contre 1 ou un petit groupe affronte une personne ou un autre petit groupe. C’est un combat qui peut être déloyal et/ou dédié à la survie au cours duquel aucune règle n’a lieu. Typiquement, ce sont des scènes où :
- deux personnages se disputent
- un groupe de malfrat attaque un voyageur ou un petit groupe de voyageurs
- deux bandes qui s’affrontent dans une taverne
- un personnage perdu qui doit se battre contre un animal sauvage pour survivre
- …
On va plutôt se retrouver avec un combat à mains nues, avec des armes improvisées (des chopes de bière, des chaises, des pieds de table, des branches…), parfois avec de vraies armes dans le cas de voleurs qui attaquent des badauds. Vous pouvez jouer avec un vocabulaire un peu rustre, voire sauvage.
Le duel
Ici, il s’agit d’un affrontement entre deux personnes dans les règles de l’art. Vous pouvez aussi se faire s’affronter deux groupes de belligérants dans une arène, par exemple. Les combats de gladiateurs (et assimilés) sont à considérer comme des duels.
Comme ces combats-là sont beaucoup plus réglementés, vous pouvez utiliser un vocabulaire plus technique et décrire des actions plus précises. On retrouvera aussi des armes conventionnelles comme des épées, des boucliers, des bâtons, des hallebardes, des pistolets, des tridents…
Notez également qu’un duel n’est pas toujours un combat à mort.
La mêlée
Ici, je définis la mêlée comme étant le combat d’un personnage ou d’un petit groupe de personnage dans le cadre d’un affrontement plus grand. Par exemple :
- une escouade chargée d’une mission particulière alors que la ville est assiégée et qui rencontre un groupe ennemi
- votre héros qui doit se frayer un chemin à travers un champ de bataille
Vous allez davantage jouer sur l’ambiance pesante de la bataille et du chaos alentour que réellement vous appesantir sur un champ lexical précis. Je vous conseille d’opter pour un vocabulaire généraliste de combat pour mettre l’accent sur les enjeux plus grands.
La bataille
Ce genre de scènes est très compliqué à gérer puisqu’il s’agit de raconter le choc entre deux armées. En général, dans la plupart des romans, on opte pour plusieurs scènes de mêlées qui se passent à différents endroits en même temps (cf. la bataille du Gouffre de Helm ou la bataille des champs du Pelennor dans Le Seigneur des anneaux).
Pour raconter une scène de bataille, il faut vous imaginer que vous observez le tout en haut d’une tour et que vous décrivez que ce vous voyez, entendez, sentez et ressentez. Vous pouvez très bien vous imaginer enfermé-e avec l’État-Major de manière à recevoir les nouvelles du front, également.
Ici, il ne sera pas vraiment question de vocabulaire technique, mais davantage d’impressions : le tumulte, l’odeur du sang, la terre qui tremble sous les pas des milliers de soldats…
Le combat magique
Le combat magique est peut-être le plus compliqué à raconter puisqu’il faut trouver le bon équilibre entre description de l’action et explication des mécanismes magiques pour éviter l’effet Deus ex machina (plus communément appelé TGCM, c’est-à-dire « Ta Gueule, C’est Magique »).
Si vous avez choisi une focalisation externe pour la narration (c’est-à-dire que votre narrateur n’explique que ce qu’il voit sans connaître les ressentis et les pensées des personnages), ce sera plus facile : il vous « suffira » de décrire ce qui se passe, les effets produits par la magie (sans trop insister sur les effets pyrotechniques), les attitudes, les expressions et les gestes du ou des thaumaturges (sans trop rentrer dans les détails, non plus). Vous pouvez utiliser des métaphores et des comparaisons pour permettre au lecteur de mieux comprendre le fonctionnement de la magie. Mais, encore une fois, ne tombez pas dans l’excès en en disant trop, le principal ici c’est l’action.
Si vous avez opté pour une focalisation interne pour votre narration (c’est-à-dire que votre narrateur connaît les pensées et les ressentis de votre ou vos personnages), vous devrez trouver le juste équilibre entre ce que le ou les thaumaturges ressentent lorsqu’ils usent de leur magie et les effets produits. Encore une fois, il ne faut pas tomber dans l’excès de pyrotechnie, mais pas dans les tréfonds de méditations complexes non plus. Vous pouvez décrire les mécanismes de votre magie en combat, mais sans tomber dans le manuel théorique du petit thaumaturge. Vous pouvez, par exemple, décrire comme ça : « Elle sentait la source de son pouvoir pulser au même rythme effréné que son cœur et y puisa la quantité de magie nécessaire à son sort. Lorsque la boule de feu jaillit du creux de sa main, les langues écarlates incendièrent son ennemi. Après s’être assurée qu’il ne se relèverait pas, elle s’effondra, épuisée. » C’est pas parfait, mais avez saisi l’idée.
La dernière chose et la plus importante à propos des combats de magie : respectez les règles que vous avez fixées !
Lors de combat de magie, on a souvent tendance à s’emporter et à surenchérir en puissance et en explosions multicolores et parfois même à transgresser ses propres règles (un personnage infatigable, une incantation accélérée pour plus de commodité, un personnage qui n’a soudain plus besoin d’incanter, etc.). Quoi qu’il arrive, respectez vos règles ou vous perdrez en cohérence et, donc, en plausibilité.
Enfin, le dernier conseil que je puisse vous donner, en règle général, tous types de combats confondus : lisez et apprenez de ce que vous lisez.
Les scènes de combat déjà écrites sont sûrement les meilleurs professeurs que vous pourrez trouver. Ainsi, lorsque vous croisez une scène qui retient votre attention, marquez-là pour pouvoir en tirer des enseignements par la suite.
N’hésitez pas à vous entraîner en prenant ces scènes comme modèle, à « écrire comme », afin d’affiner et de perfectionner votre style (tant que vous ne rendez pas ces exercices publics ou que vous le faites en précisant que ce sont des exercices qui ne sont pas destinés à la vente, il n’y a pas de plagiat). Personnellement, c’est comme ça que j’ai appris à écrire parce que, à l’époque, les forums et les blogs de conseils d’écriture, ça n’existait pas.
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui et… je crois que ce n’est pas si mal point de vue quantité !
Alors ? Verdict ? J’ai réussi mon pari ou je me suis plantée en beauté ?
3 réponses à “Écrire des scènes de combat”
Merci beaucoup pour cet article. Très utile.
Article très complet! Ce qui me bloque toujours, ce n’est pas l’intrigue du combat, ni sa visualisation ( c’est déjà ça :)) mais la rédaction elle-même. lorsque je me relis j’ai l’impression d’un compte rendu, un rapport d’actions successives, car je décris comme je vois les scènes montées d’un film, en demeurant très visuel et concis sur les émotions; au lieu de créer de la tension ça la réduit, c’est plat alors que c’est un combat dramatique.
Merci beaucoup pour cet article! Je ne savais pas par où commencer, mais maintenant j’ai un aperçu de ce qu’il faut faire 🙂