La Strzyga, le vampire polonais


Je vous retrouve aujourd’hui pour inaugurer une série d’articles captivants tout au long de novembre, où nous explorerons des créatures plus terrifiantes les unes que les autres !

Pour commencer, plongeons dans l’univers énigmatique de la strzyga, une entité fascinante du folklore polonais. Cette créature sinistre d’outre-tombe incarne les peurs ancestrales qui hantent les vivants, tout en nous offrant un aperçu de son riche héritage culturel. Êtes-vous prêt-e-s à vous aventurer dans les profondeurs de ces légendes effrayantes ?

Présentation de la Strzyga

Dès ses origines étymologiques, cette créature nous plonge dans une tradition folklorique riche ayant traversé l’Europe. Le terme strzyga (strzygi au pluriel) désigne une créature féminine malveillante, souvent associée aux vampires dans le folklore polonais et silésien.

L’origine du mot remonte au latin médiéval strī̆ga, lui-même dérivé du latin strī̆x, signifiant « hibou ». Cette connexion avec les hiboux est importante, car ces oiseaux nocturnes ont longtemps été perçus comme des symboles de mauvais augure, liés à la sorcellerie et aux forces obscures. De plus, la racine grecque στρίξ (prononcé stríx) a offert un terrain fertile dans plusieurs langues pour créer des termes liés à l’horreur. Par exemple, elle a donné naissance au verbe roumain a striga, qui signifie « crier », ajoutant ainsi une dimension d’effroi et de présage. Ou encore au mot italien strega, signifiant « sorcière ».

La strzyga est une figure ambiguë, effrayante et centrale dans la mythologie polonaise. Bien qu’elle apparaisse sous la forme d’une femme, il existe des versions masculines, appelées strzygoń, qui demeurent relativement rares dans les récits. Les strzygi, décrites comme des entités malfaisantes, hantent les légendes et contes populaires, incarnant les peurs liées à la nuit, à la mort et à la magie. En ce sens, elle est généralement associée aux forces obscures et au surnaturel, naviguant entre le monde des vivants et celui des morts.

La Strzyga, une créature ressemblant à un vampire par Evelinea Erato
Evelinea Erato

N.B : il est important de souligner que la strzyga se définit de multiples manières. Cependant, dans la culture slave, cette créature se distingue des vampires classiques, qui portent d’ailleurs leur propre nom : les Oupyr (signifiant « goule »).

Le sujet de cet article n’étant pas une comparaison entre la strzyga et l’oupyr, je ne m’attarderai pas sur tous les points qui les différencient, bien que certains soient néanmoins intéressants. Par exemple, contrairement aux vampires, les strzygi peuvent facilement marcher sur des terres consacrées.

Selon les légendes, un vampire « classique » doit être mordu ou infecté pour se transformer, tandis que la strzyga naît avec des particularités interprétées comme des signes avant-coureurs de sa future transformation. Là encore, les récits abondent en descriptions diverses. La caractéristique la plus fréquemment rapportée est une anomalie physique à la naissance : deux cœurs, deux âmes et deux rangées de dents. L’une est jugée normale, tandis que l’autre se développe au fil du temps, formant progressivement une dentition acérée et redoutable.

Voici quelques autres caractéristiques évoquées dans les légendes (attention, certaines sont plutôt loufoques ; qui sait, vous pourriez bien être vous-même des strzygi en devenir !) :

  • Présence d’un monosourcil, d’une mèche blanche ou de dents déjà développées à la naissance ;
  • Absence de poils sous les aisselles ;
  • Tache de naissance dans le dos ;
  • Se parler à soi-même ; 
  • Être somnambule.

La strzyga est une créature unique, présentant sous sa forme nocturne, des caractéristiques aviaires telles que des ailes et de redoutables griffes. Ce qui rappelle sa ressemblance avec les hiboux, tout en soulignant son lien avec la mort et l’au-delà. Connue pour son comportement de prédateur sanguinaire, elle attaque la nuit, drainant l’énergie des vivants en suçant leur sang ou dévorant leurs entrailles. Certains récits la décrivent comme un être métamorphe, capable de prendre différentes formes pour tromper et chasser leur proie. Si vous prévoyez un petit voyage dans les régions slaves, je vous conseille d’éviter les promenades nocturnes en forêt, près des granges ou des carrefours, qui sont ses terrains de chasse de prédilection.

Strzyga par Marta Emilia
Marta Emilia

Cependant, la strzyga n’est pas seulement un prédateur physique, elle est également liée aux maladies et aux épidémies. Lors des périodes de peste ou de famine, les villageois croyaient souvent qu’une strzyga était responsable de ces calamités, ce qui les poussait à pratiquer des rituels magiques ou religieux pour s’en protéger.

Les Origines de la Strzyga 

Racines et caractéristiques mythologiques

La strzyga puise ses racines dans la mythologie slave, mais elle partage des similarités avec d’autres créatures européennes. On trouve notamment des références aux Strigoi dans le folklore roumain et aux Strix dans la mythologie grecque. Il est probable que ces récits aient traversé l’Europe pour se mêler aux croyances locales slaves, donnant naissance à cette entité hybride.

Dans la culture slave, la strzyga est une sorte de créature revenante, un mélange entre vampires, sorcières et démons. Vous vous rappelez sans doute des traits physiques un peu particuliers que j’ai évoqués plus tôt, mais l’histoire ne s’arrête pas là. Pas de panique si votre enfant naît avec une petite tache dans le dos, cela ne veut pas dire qu’il se transformera en bête sanguinaire. Pour obtenir une véritable strzyga, il faut un ingrédient clé : la mort. (eh oui, vu qu’on parle de revenants, ça paraît logique.)

Alors, comment cette transformation se produit-elle exactement ? 

Prenons l’exemple d’une pauvre femme qui serait née avec ce que j’appellerais une « triple double » : les fameux deux cœurs, deux âmes et deux rangées de dents. Ajoutez-y un monosourcil pour faire bonne mesure, et vous avez notre future strzyga toute désignée ! 

Lorsque le moment tant redouté se profile, la défunte rend son dernier souffle et son âme s’échappe vers l’au-delà, connu sous le nom de Wyraj chez les anciens slaves. 

Mais qu’advient-il de la seconde âme ? Selon le mythe, chaque individu abriterait en lui deux âmes : l’une, ancrée à la vie humaine, s’envole au moment de la mort. Pendant ce temps, la seconde, dissimulée dans l’ombre tout au long de l’existence, se nourrit d’une soif de sang insatiable. Cette âme démoniaque, souvent dépeinte comme hautement agressive, prend alors possession du défunt corps, le transformant en strzyga.

Une vieille démone slave avec deux âmes, deux cœurs et deux rangées de dents confondues avec un vampire. Selon les archives, les Strigas étaient censées provenir de filles (nouvelle-nées) nées avec des dents capables de mener la vie d'un prédateur.
Γραφέας, CC BY-SA 4.0, via Wikimedia Commons
Une vieille démone slave avec deux âmes, deux cœurs et deux rangées de dents confondues avec un vampire. Selon les archives, les Strigas étaient censées provenir de filles (nouvelle-nées) nées avec des dents capables de mener la vie d’un prédateur.

La Strzyga dans les croyances populaires

Outre cette « triple double », d’autres facteurs peuvent favoriser la transformation : une mort prématurée ou un enterrement précipité, par exemple. Les croyances populaires révèlent que les personnes qui n’avaient pas reçu de rites funéraires adéquats, de sacrement de confirmation, ou qui n’étaient pas baptisées étaient particulièrement susceptibles de revenir sous la forme de strzygi.

Mais attention, la strzyga ne passe pas tout son temps à traquer des humains pour boire leur sang ! Certains récits la dépeignent comme une créature semi-démoniaque, qui continue d’exercer des activités qu’elle pratiquait de son vivant, comme couper du bois, battre du grain ou prendre soin du bétail. Ces histoires sont particulièrement répandues en Poméranie et autour de Cracovie. À Spytkowice, par exemple, on racontait qu’un strzygoń revenait la nuit pour accomplir ses tâches domestiques, et même travailler dans la taverne locale !

Dans d’autres légendes, la strzyga harcelait les passants solitaires, portant parfois sa propre tête ou celle de ses victimes sous le bras. Certaines histoires vont jusqu’à dire qu’elle pouvait tuer ses victimes en leur soufflant dans la bouche, une croyance liée à la propagation de maladies et d’épidémies. 

L’idée qu’un défunt puisse revenir sous la forme d’une strzyga pour harceler les vivants se retrouvait également dans des récits de vengeance posthume. Un individu maltraité ou non respecté de son vivant pouvait, selon les croyances, revenir sous cette forme pour se venger de ceux qui lui avaient causé du tort.

La peur des strzygi était si ancrée dans la culture slave que les pratiques funéraires tenaient compte de cette menace. Les suspects étaient enterrés loin des villages, souvent après avoir pris des mesures drastiques pour qu’ils ne reviennent pas hanter les vivants.

Lors de mes recherches, j’ai découvert une multitude de méthodes pour se débarrasser d’une strzyga, ou prévenir son apparition. Parmi les plus populaires, sans grande surprise, figurent l’utilisation de l’ail, des prières spéciales et des cierges bénis. Il était aussi courant de creuser un fossé autour des cimetières pour créer une barrière protectrice. Certaines traditions affirment que démembrer le corps, puis le brûler, est l’une des méthodes les plus efficaces pour empêcher le retour de la créature.

D’autres pratiques incluent le fait de planter des clous dans diverses parties du corps, comme la bouche, les tempes, le cœur et l’aine, afin de s’assurer que le cadavre reste littéralement cloué à son cercueil. En Roumanie, on enfonçait également des pieux dans la poitrine des défunts pour les empêcher de revenir hanter les vivants. Une coutume qui a perduré dans certaines régions rurales jusqu’à une époque relativement récente. Il arrivait aussi que l’on enterre le défunt sur le ventre, de sorte que, lorsque l’âme de la strzyga animait le corps et tentait de s’échapper, elle creusait vers le bas au lieu de remonter à la surface.

Une énième méthode, assez répandue, consistait à placer une grosse pierre dans la mâchoire du cadavre, cette dernière a d’ailleurs été véritablement attestée par des fouilles archéologiques.

Pour les familles qui auraient omis de prendre leurs précautions avant l’enterrement, pas de panique ! Il était possible d’effectuer une exhumation en présence d’un prêtre, suivie d’une réinhumation après avoir accompli des rituels supplémentaires, comme glisser un morceau de papier portant l’inscription « Jésus » sous la langue du défunt.

Dans le registre des solutions plus originales, on raconte que faire sonner la cloche d’une église pouvait transformer une strzyga en goudron. Il est aussi possible de neutraliser une strzyga agressive en la giflant de la main gauche. Et si vous préférez éviter d’infliger du tort au défunt, vous avez la possibilité de remplir son cercueil de petits objets, afin qu’elle passe son temps à les compter au lieu de dévorer des passants innocents !

Les fouilles archéologiques confirment que ces croyances ont perduré jusqu’aux années 1960. Avec le temps, la strzyga a peu à peu quitté le registre des cauchemars pour s’installer dans le folklore local. Il existe même un jeu d’enfants appelé strzygonia, documenté au XIXe siècle par le folkloriste Szymon Gonet. Ce dernier faisait directement référence à ces récits : l’enfant jouant le rôle de la strzyga s’allongeait face contre terre, tandis que les autres comptaient jusqu’à douze avant de se lancer dans une course-poursuite effrénée.

En fin de compte, la Strzyga est bien plus qu’un simple monstre. Elle symbolise des peurs profondément humaines face à la mort, aux maladies et à l’inconnu. Ces légendes reflétaient des angoisses enracinées dans les sociétés pré-industrielles, où la mort, omniprésente, restait souvent incomprise.

Comment intégrer une ou plusieurs Strzyga dans votre récit ? 

À l’époque contemporaine, la strzyga a trouvé sa place dans la culture populaire, notamment dans la littérature fantastique et les jeux vidéo. Pour ne citer qu’un exemple, et pas des moindres : l’œuvre de fiction de l’écrivain polonais Andrzej Sapkowski, créateur de la série The Witcher

Avec son riche historique mythologique et culturel, elle est une créature fascinante à introduire dans un récit de fantasy. Voici quelques idées pour intégrer cette créature dans une histoire :

L’Antagoniste incarnant la dualité : pour créer une strzyga à la fois antagoniste et complexe, envisagez un personnage qui, le jour, est un membre respecté de la communauté, mais la nuit, il se transforme en monstre sanguinaire. En explorant sa quête de rédemption, le récit peut plonger dans des thèmes de dualité, où le personnage doit choisir entre sa perception de la bonté et la réalité de ses actions. Les conflits internes de celui-ci permettent d’enrichir l’intrigue, tout en offrant à vos lecteurs un aperçu poignant des luttes de l’âme.

Une Épidémie d’Insomnie : cette idée m’est venue en lisant que les personnes somnambules peuvent être des candidats potentiels à une transformation en strzyga. Imaginez un village frappé par une mystérieuse épidémie d’insomnie. Les habitant-e-s, privé-e-s de sommeil, commencent à sombrer dans la folie, et la strzyga se nourrit de leur énergie vitale. Les protagonistes devront non seulement découvrir l’origine de cette épidémie, mais aussi trouver un moyen d’apaiser la strzyga pour libérer le village de son emprise. Ce scénario peut permettre d’explorer des thèmes de résilience et de lutte contre les ténèbres.

Le Culte d’une créature effrayante : introduisez un culte, qui vénère la strzyga comme une déesse de la mort et de la renaissance. Les membres de ce culte cherchent à apaiser celle-ci par des rituels mystérieux, croyant qu’elle protège les âmes des défunts. Cependant, leur dévotion pourrait les entraîner à commettre des actes de violence pour prouver leur foi, créant ainsi un conflit avec celles et ceux qui la voient comme une menace. Ce culte pourrait ainsi servir de miroir aux thèmes du sacrifice et de la foi face à l’inconnu.

J’espère que ce premier article de notre série sur les créatures « halloweenesques » vous a plu. Restez à l’affût, car je vous retrouverai bientôt pour de nouveaux frissons !

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