6 choses qui brident notre créativité


Aujourd’hui, je voudrais vous parler de 6 choses qui brident notre créativité et qui nous empêchent d’écrire des récits vraiment originaux.

Alors, je sais qu’il y a 2 semaines je vous disais qu’il ne fallait pas chercher l’originalité à tout prix. Et je maintiens ce que je dis : chercher à faire original juste pour se démarquer des autres en oubliant presque tout le reste de ce qui fait un roman, c’est une très mauvaise idée — selon moi, toujours.

En revanche, rien ne nous empêche d’élargir notre vision du monde afin d’abreuver notre imaginaire de mille-et-une choses nouvelles qui, elles, ne pourront que nous aider à créer des histoires et des univers qui ne ressemblent à aucun autre (ou presque).

Avant de commencer, je voudrais en profiter pour vous prévenir qu’il n’y aura qu’un article toutes les 2 semaines pendant juillet et août. Ça me permettra de pouvoir souffler un peu, surtout avec ces chaleurs qui me rendent malades…

1. L’ethnocentrisme

L’ethnocentrisme est un concept anthropologique introduit par William Graham Sumner et qui signifie :

Voir le monde et sa diversité à travers le prisme privilégié et plus ou moins exclusif des idées, des intérêts et des archétypes de notre communauté d’origine, sans regards critiques sur celle-ci.

Source : Wikipedia

L’ethnocentrisme nous empêche donc de voir le monde et les autres à travers les yeux d’un-e représentant-e d’une culture et d’une philosophie différentes de la nôtre. En somme, il nous est presque impossible de pouvoir écrire un récit qui ne soit pas centré sur nos valeurs, notre culture, notre groupe ethnique.

En résumé : si vous êtes un homme blanc occidental d’un groupe social moyen à élevé, il vous sera très difficile, voir impossible d’imaginer un univers ou un roman avec des personnages qui ne seraient pas blancs ; avec une culture, des croyances, une histoire et une philosophie différente ; dans un monde qui ne serait pas directement inspiré de l’Europe de l’Ouest.

C’est pour ça que la majorité des récits Fantasy se déroule dans des univers Medfan imitant le médiéval européen ou à une autre époque de l’Europe (La Voie des Oracles d’Estelle Faye se déroule en France sous la domination romaine, Les Lames du Cardinal de Pierre Pevel en France à l’époque des Mousquetaires, etc.), avec des héros et héroïnes blanches, qui portent les valeurs si occidentales de la noblesse d’âme et du courage (les valeurs de la chevalerie) dans des sociétés organisées et hiérarchisées comme la nôtre. Ah oui… j’allais oublier : le tout saupoudré de capitalisme

Dès qu’on franchit les limites de la société et du régime économique dans lesquels nous vivons, on vire presque immédiatement dans la dystopie pour rétablir, justement, le capitalisme, notre hiérarchisation, nos valeurs, etc.

Comment minimiser cet ethnocentrisme ?

Parce que, techniquement, il nous est impossible de passer au-dessus.

Pensez à placer vos intrigues dans des lieux différents de l’Europe ou des États-Unis, par exemple, ou à des personnages différents de votre origine ethnique. Essayez de concevoir le monde différemment.

Le meilleur moyen pour essayer de voir le monde différemment est de s’intéresser aux autres cultures sans systématiquement la comparer à la nôtre. Simplement la voir telle qu’elle est : une culture différente qui n’est ni meilleure ni pire que la nôtre. Je vous accorde que réussir à se libérer de tout jugement (l’être humain est en permanence dans le jugement…) est très compliqué, mais c’est indispensable si on souhaite enrichir notre imaginaire avec des idées, des valeurs et des concepts nouveaux.

Pour apprendre à connaître d’autres cultures, le mieux c’est de lire des récits écrits par les cultures que vous voulez étudier (les récits étant les principaux vecteurs de valeurs d’une société, ils sont idéaux pour apprendre à connaître une société), regardez aussi des documentaires (mais choisissez-les bien : certains ne sont là que pour affirmer notre suprématie d’Occidentaux sur le reste du monde… Privilégiez des documentaires de chaînes et sites sérieux comme Arte ou France Culture) et, si vous avez du courage, lisez des essais et des livres d’anthropologie et d’ethnologie.

N’hésitez pas non plus à discuter avec des gens de cette culture.

Dans le cas où vous voudriez plutôt vous intéresser à des cas plus précis de différence par rapport à vous (comme les orientations sexuelles, les trans, les handicaps, des métiers ou des groupes sociaux méconnus, les minorités ethniques vivant dans des sociétés occidentales…) le mieux est de directement converser avec ces personnes et de lire des témoignages.

2. Les habitudes

Ce point-ci rejoint un peu le précédent mais de façon beaucoup plus ciblée. Dans ce point-ci, il s’agit de nos habitudes personnelles. Pour vous donner l’une des miennes en exemple : j’adore les personnages avec des yeux bleus. C’est la deuxième couleur d’yeux la plus rare sur Terre, mais, dans mes romans, la majorité de mes perso ont les yeux bleus… Je dois me forcer pour mettre des yeux d’une autre couleur.

Pour le reste, il en va de même pour les traits de caractère des personnages, les types d’histoire, les genres, les thèmes abordés, etc. On aura toujours tendance à se diriger vers ce que l’on connaît de manière viscérale, sans même penser à aller chercher autre chose : d’autres personnages, d’autres histoires, d’autres univers…

Pour y remédier, l’idéal est de nourrir votre imaginaire de tout : lisez des livres et regardez des séries qui ne sont pas dans vos habitudes de lecture et de visionnage. Variez les genres, les origines des auteurs (pour vous permettre d’apprendre d’autres styles), les époques d’écriture… De même, ne pensez pas qu’un livre qui n’est pas de la Fantasy, ne pourra rien vous apprendre pour écrire de la Fantasy, au contraire ! Il y a à apprendre de tous les genres, par exemple : le thriller vous apprendra à gérer le suspens, le policier à créer des énigmes, la romance à mieux développer les sentiments de vos personnages, l’historique à gérer les descriptions, etc.

De cette manière, vous nourrirez votre imaginaire de plein d’histoires différentes, avec des personnages divers et variés.

La Fantasy n’est pas qu’une question de magie, de prophétie et de baston, alors allez voir ailleurs si vous y êtes ! 😉

3. La peur de l’inconnu

Si le point précédent parlait de notre incapacité ou paresse (ça dépend des jours) à imaginer autre chose que ce que nous connaissons déjà, ce point-ci parle de notre peur à exploiter ce que nous n’avons pas l’habitude d’exploiter. Car l’être humain est ainsi fait : il a peur de ce qu’il ne connaît pas (ou peu).

Donc, ici, il est surtout question de sortir de ses zones de confort et d’arriver à passer au-dessus de ses peurs et de ses possibles préjugés par rapport à un nouvel élément de notre écriture. Et pour y arriver, il n’y a qu’une seule solution : faire des tests !

Rien ne vous oblige à tester un nouveau personnage, une nouvelle histoire, une nouvelle forme de magie ou autre directement en grandeur nature dans votre roman. C’est même une mauvaise idée, surtout si vous avez peur de cette ou ces nouvelles idées. Commencer par les tester avec des micro-récits (type nouvelles) et faites-les lire à des amis ou des membres d’un forum/groupe Facebook ou sur une plateforme d’écriture pour avoir leurs avis. Vous verrez qu’il en ressort toujours plus de positif que de négatif !

Je vous conseille aussi d’aller lire mon précédent article à propos des zones de confort en écriture.

4. La peur de l’échec

Là, c’est l’étape après celle de la sortie des habitudes et celles où vous avez osé essayer, mais que, finalement, vous vous dites que vous feriez mieux de laisser tomber parce que ce n’est pas dans vos cordes.

Il m’est arrivé de croiser des personnes qui n’osaient pas écrire quelque chose de différent de leurs habitudes juste parce qu’elles avaient peur soit de ne pas y arriver, soit que ça ne plaise pas parce que trop différent de ce qu’elles écrivaient d’habitude.

En ce qui concerne la peur de ne pas y arriver, je répondrais tout simplement que la nouveauté s’apprend et qu’il suffit de s’exercer. Encore une fois, je ne peux que conseiller d’écrire de petits récits, voir de simples scènes pour essayer, voir et se perfectionner. Rome ne s’est pas faite en un jour et il en va de même pour l’acquisition de nouvelles compétences en écriture.

À propos de la peur de ne pas plaire, ma foi, c’est tout à fait possible. Mais ce n’est pas parce que votre nouveauté ne plait pas à vos habitué-e-s qu’elle ne plaira à personne. Ici, il s’agit d’une simple question de goûts qui vous fera peut-être perdre des habitué-e-s, mais gagner d’autres.

Le plus important, c’est que ça vous plaise à vous ! Il n’est rien de pire que de lire un récit que l’auteur ou l’autrice s’est forcée à écrire pour plaire à un public avant de l’écrire pour lui plaire à lui ou elle.

5. Les préjugés et les idées reçues

Ce sont peut-être les pires vices de l’écrivain-eLe préjugé qui porte un jugement à l’avance selon certains critères personnels sans réels fondements et les idées reçues à mi-chemin entre le cliché et la croyance.

Si vous voulez développer votre créativité et élargir vos horizons, il est très important de démystifier ces idées arrêtées sur les choses afin de pouvoir offrir d’autres points de vue. Il faut aussi se dire que parfois certaines idées reçues font hérisser le poil du lectorat quand celui-ci connaît la vérité ou se sent presque attaqué par les préjugés de l’auteur/l’autrice. Surtout qu’avec un peu de recherches, il est souvent très facile de prouver que c’est faux et de pouvoir présenter un autre point de vue sur un élément.

De plus, le risque avec les idées reçues, c’est qu’on les voit tourner souvent à beaucoup d’endroits et cela réduit parfois, d’une part, la crédibilité de votre récit (quand on véhicule des idées fausses, voire ridicules) et, d’autre part, son originalité (puisque tout le monde semble penser la même chose).

Parmi les idées reçues qu’on trouve le plus souvent : les héros sont toujours beaux, ils tombent toujours amoureux, les mentors sont toujours des vieux barbus, les prophéties se réalisent toujours, etc.

Dans le même registre des idées reçues, il y a également le fait de s’appuyer toujours sur les mêmes techniques d’écriture. C’est la grande mode en ce moment : les méthodes d’élaboration du récit de Turby, Vogler et compagnie font fureur à l’heure actuelle alors qu’elles ne sont là que pour augmenter le rendement des scénaristes hollywoodiens pour qu’ils écrivent selon les mêmes schémas préconçus et augmenter les revenus au box-office. Alors, je ne dis pas qu’il n’y a pas de bons conseils dans leurs livres, je dis juste qu’il ne faut les suivre au pied de la lettre et qu’il faut réussir à s’en départir pour créer autre chose que toutes ces histoires fabriquées à la chaîne, comme à l’usine.

6. La fixité fonctionnelle

La première fois que j’ai entendu parlé de ceci, c’était à la fin de l’épisode 2 de la saison 3 de Elementary, Cinq petites perles orange. D’ailleurs, c’est en revoyant l’épisode, il n’y a pas si longtemps, que j’ai eu l’idée de cet article.

La fixité fonctionnelle est un biais cognitif qui limite l’utilisation par un individu d’un objet à la seule manière dont on l’utilise traditionnellement. En somme, c’est un blocage mental qui vous empêche de voir une nouvelle manière d’utiliser un objet. Par exemple :

  • Le psychologue allemand Karl Duncker démontra le phénomène de la fixité fonctionnelle par un célèbre casse-tête : il donna aux sujets de son expérience une bougie, une boîte de punaises et un étui d’allumettes, et il leur demanda de trouver un moyen de fixer la bougie de sorte qu’une fois celle-ci allumée, la cire ne tombe pas par terre. Beaucoup eurent du mal à réaliser que la solution consistait à vider la boîte de punaises, à y fixer la bougie avec de la cire fondue puis à punaiser la boîte au mur, afin de créer une étagère accueillant la bougie tout en empêchant la cire de salir le sol. Or la boîte ayant été présentée comme un contenant pour les punaises, il fut impossible aux participants de l’envisager autrement.
  • Quand j’habitais encore dans une maison avec jardin, j’ai eu un jour la folle envie de m’exposer à l’extérieur et de travailler dans ce fameux jardin. Seulement, je n’avais pas de mobilier de jardin à disposition, les tables de la salle à manger et de la cuisine étaient trop lourdes pour que je puisse les porter seule et, de toute manière, elles ne passaient pas la porte du jardin. Alors, j’ai pris une autre table : la table à repasser. En me voyant travailler sur la table à repasser, mon mari s’est exclamé qu’une table à repasser ça ne servait pas à ça. Pourtant ça a très bien fonctionné ! Et dans table à repasser, il y a le mot table, non ?
  • ! SPOILER ! Dans l’épisode pré-cité d’Elementary, on se retrouve avec un stock de perles en plastique pour enfant qui, si elles sont ingérées, se transforment en GHB. Dans l’épisode, tout le monde ne voit ces perles que comme des perles, sauf le meurtrier qui, lui, voit un énorme stock de drogue à revendre dans la rue.

Je crois qu’avec les exemples vous aurez compris que McGyver ne souffre pas de la fixité fonctionnelle et qu’elle est relative chez les rois et reines du système D ! 😉

Mais je vous vois déjà venir : « À sert-il de parler d’utilisation d’objets dans un article qui parle d’écriture ? »
Un bel exemple de fixité fonctionnelle ! Puisque ce biais cognitif ne s’applique pas qu’aux objets, il s’applique aux conceptions mentales en général. Cela inclut l’écriture et la création puisque la fixité fonctionnelle est justement vue comme un manque de souplesse mentale qui conduit à un défaut de créativité.

La fixité fonctionnelle peut très bien s’appliquer à l’écriture aussi.

Par exemple : quelle loi nous oblige à raconter nos histoires à partir du début (pensez à Irréversible qui se déroule à l’envers) ou dans l’ordre (Kill Bill Vol. I qui n’est pas vraiment dans l’ordre) ? Quelle règle nous oblige à raconter une histoire du point de vue du héros (Hypatia d’Arnulf Zitelman dont le personnage principal est l’adjuvant de l’héroïne) ? Où est-il écrit qu’un mentor est d’office un vieil homme (dans L’Exode, mon roman, on découvre le vrai mentor de Shéa qui n’est pas un vieux barbu) ? Une princesse doit-elle systématiquement être douce et délicate ou complètement badass ? Une histoire doit-elle toujours bien finir ? Etc.

Pour réussir à passer outre la fixité fonctionnelle, il faut réussir à voir les objets, les situations, les histoires, les personnages… dans leur globalité sans directement les cantonner à un rôle. Comme je vous l’ai déjà dit à plusieurs reprises :

Ouvrez votre esprit aux milliers de possibilités.

Ne vous fermez pas aux opportunités qui s’offrent à vous simplement parce que ce n’est pas censé servir comme ça ou parce que tout le monde fait comme ci et que, de facto, vous devez les imiter.

J’aimerais ajouter que la fixité fonctionnelle est également valable pour vos personnages. Il vous est tout à fait possible d’inclure un personnage comme McGyver dans votre récit, un personnage capable de fabriquer une bombe avec deux trombones, un citron et trois élastiques 😉

Il existe également un mode de raisonnement qui peut court-circuiter votre fixité fonctionnelle, il s’agit du raisonnement Valeur(s). Mais comme c’est un peu complexe à expliquer et cet article est déjà assez long, je vous laisse un pdf explicatif : Le raisonnement Valeur(s) en 3 étapes, 2 questions et 1 principe.

Voilà ! J’espère que cet article vous a plu et qu’il vous aura donné envie d’aller faire quelques recherches. Et vous, comment élargissez-vous vos horizons ?


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