Le coming out d’écrivain-e


Republication d’un article de mon ancien blog d’autrice

Depuis que je traîne mes guêtres sur la partie de la toile réservée aux écrivain-e-s de tous bords, une question est souvent revenue : comment annoncer à son entourage qu’on écrit ? En somme, comment faire son coming out d’écrivain ou d’écrivaine ?

Avertissement

Vu comment je me suis fait clouée au pilori par certaines personnes sur Twitter et au vu des autres remarques (pas méchantes, celles-ci) auxquelles j’ai eu droit, je me permets de faire une précision quant à l’utilisation de l’expression « coming out d’écrivain-e », puisque j’ai passé ma journée d’hier à devoir me justifier…
Sachez que cette expression ne vient pas de moi et je ne l’ai pas utilisée dans un désir de faire un titre pute-à-clic.
Si je l’ai utilisée, c’est tout simplement parce que c’est sous ce nom-là que j’ai découvert, sur un forum il y a 5 ans, ce problème que vivent certains et certaines. C’est également sous ce nom-là qu’il a été évoqué par d’autres que moi sur des forums et des blogs. Chaque fois que l’on parlait de cette peur d’avouer sa passion pour l’écriture, elle était évoquée sous ce terme-là, par moi comme par d’autres. Je ne l’ai utilisé que parce que je croyais que c’était un terme acquis dans la communauté des auteurs et autrices (débutant-e-s ou pas) et non pour faire du sensationnel. Le « coming out d’écrivain-e » est une expression qui a été adoptée par énormément de personnes et je n’ai fait que l’adopter à mon tour parce que l’on ne m’en parlait qu’en ces termes.
D’ailleurs, en 5 ans, pas une seule fois je n’ai vu cette expression remise en cause, nulle part  !
Au cas où certaines personnes ne me croiraient pas, voici quelques preuves que ce n’est pas moi qui ai « inventé » l’expression, comme certain-e-s semblent le croire :

Et si vous avez du temps à perdre à éplucher les forums, vous y trouverez davantage d’exemples de citation de cette expression.

Alors, chers détracteurs, chères détractrices qui m’avez condamnée hier sur Twitter pour l’utilisation d’une expression que je croyais juste et acquise par tous et toutes, je vous propose une démarche constructive : au lieu de me fustiger, suggérez-moi des termes et expressions plus appropriées selon vous pour qualifier ce passage à l’acte.

J’ai mis beaucoup de temps à répondre à cette question (presque 5 ans tout de même !) tout simplement parce que je ne savais pas quoi dire. C’est en discutant avec beaucoup de jeunes écrivains et écrivaines (jeunes dans le sens ado), mais pas que, que je me suis dit que c’était à mon tour de donner ma version de l’histoire.

Alors voilà comment j’ai fait mon coming out d’écrivaine :

Ce devait être durant l’un de ces samedi après-midi pluvieux qui m’inspirent. Ce jours-là, j’ai levé le menton et déclaré sur le ton le plus solennel qui soit : « Plus tard, je serai écrivaine ! »
C’était il y a 23 ans, j’avais 8 ans.
Et à partir de ce jour-là j’ai consacré tout ce que j’ai pu à l’écriture sans jamais m’en cacher et même avec une certaine fierté.
D’
ailleurs, durant ma neuvième année, j’ai écrit ma première nouvelle.

Vous comprenez maintenant pourquoi je ne savais pas quoi dire aux personnes qui me demandaient conseils ?
Je n’ai jamais vraiment fait de coming out, comme je n’ai jamais eu honte d’écrire ni peur de la réaction d’autrui. Pour moi l’écriture était un but au même titre que celui de devenir géologue.
Par contre, j’ai envie de vous dire que c’est plus facile d’expliquer aux gens qu’on aime écrire plutôt que de leur expliquer qu’on est fasciné par les « cailloux »… Ils restent souvent hermétiques à cet émerveillement que peut ressentir un-e géologue devant un pli, un grenat dans les marches du Kremlin ou par l’émoi provoqué à la vue d’une authentique gabbro-anorthosite… Autant vous dire que le commun des mortels nous prend souvent pour des fadas à regarder avec intensité des marches en « pierre » ou des étendues de graviers… ou quand on dégaine le marteau en hurlant « Casser cailloux !!! » comme une horde de sauvages (prof inclus, évidemment…). — anecdote véridique !
Ça doit être pour ça que je parlais plus facilement de ma passion pour les mots que de celle pour les roches et les minéraux… Allez savoir…

Mais laissons-là les merveilles de la Terre et revenons à nos mots — maux ?

Toutefois, si je n’ai pas connu les questionnements du coming out, j’ai tout de même connu les remarques négatives de certaines personnes qui ne comprenaient pas que je puisse apprécier rester des heures seule avec ma feuille, mon stylo et mon imagination. D’autres encore qui essayaient de me décourager parce qu’ils pensaient que je courrais après des chimères. Et les dernières qui me disaient que je me donnais un genre, qui pensaient que je faisais semblant d’écrire pour paraître intéressante.

Ça, par contre, ça m’a fait relativiser non pas sur le fait que j’écrivais, mais par rapport au choix des personnes à qui je le disais. L’écriture reste tout de même quelque chose d’intime qu’on n’est pas toujours prêt-e à partager avec tout le monde et pour laquelle on n’est pas toujours prêt-e à supporter la critique. Aussi, j’ai fini par choisir à qui j’en parlais. Non pas par peur des remarques, mais parce que certaines personnes me fatiguent avec leurs réflexions débiles et que je préfère utiliser mon énergie à des choses plus utiles que de devoir me justifier auprès de personnes qui ne changeront pas d’avis, de toute manière.

Toutefois, j’aimerais préciser que les personnes qui ont eu des réactions négatives par rapport au fait que j’écrivais ont soit changé d’avis, soit quitté ma vie, mais surtout ont été largement minoritaires par rapport aux personnes qui m’ont encouragée ou qui étaient épatées.

En effet, énormément de personnes sont fascinées par l’écriture et trouvent génial que quelqu’un-e de leur entourage écrive. Vous trouverez aussi des soutiens inattendus de la part de certains de vos proches — famille et amis. Clairement, vous aurez plus à gagner qu’à perdre en annonçant que vous écrivez.

L’autre aspect plus que bénéfique de la chose, c’est que si vous éprouviez un quelconque syndrome de l’imposteur, dire à voix haute que vous écrivez octroiera une sorte de réalité tangible à la chose qui vous permettra de réaliser vraiment que vous écrivez et de faire un pas de plus vers ce sentiment de légitimité qui vous manque. — Je parlerai du syndrome de l’imposteur une prochaine fois, et je n’attendrai pas 5 ans pour le faire, promis ! 😉

N.B. : je parle du syndrome de l’imposteur dans mon livre Surmontez les obstacles et écrivez enfin votre roman !

D’après les échanges que j’ai pu avoir avec diverses personnes sur le sujet, je me suis rendue compte qu’il y avait deux grandes tendances : la honte et la peur.

La honte

C’est la honte d’aimer un passe-temps solitaire dans une société qui met l’accent sur la sociabilisation presque à outrance. Les loisirs solitaires sont souvent mal vus, voire raillés. S’il y en a parmi vous qui participent à des challenges de lecture (comme le weekend à 1000 qui nous « force » [notez les guillemets] à rester chez nous un weekend entier pour lire) ou d’écriture (comme le NaNoWriMo, qui nous pousse presque à l’ermitage pendant un mois) je crois que vous devrez tout à fait comprendre de quoi je parle. Les fameuses réflexions culpabilisantes auxquelles on peut avoir droit comme : « Et quoi ? Tes livres sont plus importants que tes amis ? » ou encore « Oh ça va ! Ton roman c’est pas si important, on peut bien s’incruster chez toi pour une soirée pizza ! ». Dans ces cas-là, on peut avoir honte d’aimer de tels loisirs qui peuvent paraître, sous cet angle, égoïste…

Alors qu’en fait, non ! Pas du tout ! Ce sont les autres qui sont égoïstes parce qu’ils ne font pas attention à ce qui est important pour vous ! N’ayez pas honte d’aimer ces loisirs solitaires, voire d’en faire votre vocation (dans le cas de l’écriture), mais soyez clair-e avec vos proches si l’écriture (et la lecture) vous tient vraiment à cœur et faites-leur comprendre que, oui, c’est important pour vous. Surtout, si vous voulez faire de l’écriture votre métier.

Il y a aussi la honte de ce qu’on écrit. Certains genres sont considérés comme de la « sous-littérature » (comme… tout ce qui n’est pas de la blanche, en fait…) et ça peut nous faire hésiter à en parler.

Je vais vous balancer un scoop : il n’y a pas de genre qui vaut mieux qu’un autre ! Et si on essaie de vous faire croire le contraire, ne les écoutez pas. Pareil si on vous dit que la Fantasy ou la SF n’est qu’une passe d’ado et que quand vous serez devenu-e adulte, ça vous passera… Ne les écoutez pas et écrivez ce qui vous plaît ! Même si c’est du « mauvais genre », même si c’est de la fanfiction, même si c’est du not safe for work, comme on dit.

Je vous avoue que j’ai toujours balancé sur un ton presque insolent que j’écrivais de la Fantasy, comme si je mettais mes interlocuteurs au défi de me critiquer. Je crois que j’y allais parfois un peu fort avec mon air bravache au point que beaucoup préféraient tourner les talons… Tant mieux, j’avais la paix ! 😂

La peur

La peur liée au syndrome de l’imposteur : on se monte le bourrichon parce qu’on croit que si on dit qu’on écrit, on va avoir droit à des contrôles de qualité pour savoir si on est « digne » ou pas d’écrire.

Autre scoop du jour : pas besoin d’examen national pour avoir le droit d’écrire des histoires !

La peur du jugement et des moqueries. Certaines personnes considèrent parfois les écrivain-e-s au mieux comme des rêveurs, au pire comme des attardés incapables de se contenter de la vie réelle — si, si, ce genre de mentalité nauséabonde existe… C’est justement la peur de se voir considérer comme un être inapte socialement ou mentalement qui peut bloquer l’annonce de l’écriture. Et ça se comprend !

Toutefois, il ne faut pas que ça vous bloque de l’annoncer aux bonnes personnes.

Il y a aussi le mythe bien ancré de l’écrivain maudit qui aura beau écrire et qui n’arrivera jamais nulle part, le mythe de l’écrivain-assisté, « l’écrivain-cassos ». Ce mythe qui nous pare d’une nonchalance indécente qui nous fait vivre au crochet de la société. Vous pouvez toujours tenter de dézinguer ce mythe, mais auprès de certaines personnes, c’est impossible.

Si mon grand-père était encore là, il vous dirait de laisser pisser le mouton !

Et si ma grand-mère passait par là, elle vous dirait que si tous les cons du monde avaient des clochettes au cul, on ne s’entendrait plus penser !

Quand vous croisez des personnes qui tentent de vous décourager juste parce qu’elles estiment que ne devriez pas écrire (pour une quelconque raison), pensez à ces deux citations de mes grands-parents.

Le droit d’écrire ne se gagne pas avec l’approbation des autres, il ne se gagne même pas tout court ! Le droit d’écrire échoit à chacun de nous et nous sommes les seul-e-s à pouvoir disposer de ce droit comme bon nous semble, et ce, quelles que soient nos inclinations scripturales.

Et je vous le répète : vous aurez toujours plus à gagner qu’à perdre en annonçant que vous écrivez !

Quand à savoir comment l’annoncer (qui est la question initiale), je vous conseillerais de l’annoncer lors du toast de la réunion de famille à Noël (ou à votre anniversaire). Comme ça, ceux qui prendront bien la nouvelle boiront pour fêter ça et ceux qui n’apprécieront pas auront de quoi se saouler pour oublier 😉

Alors ? Comment s’est passé votre coming out ? Si vous ne l’avez pas fait, qu’est-ce qui vous en empêche ?


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