Les selkies, créatures mi-humaines mi-phoque


Aujourd’hui, nous voici de retour avec un article traitant des selkies.

Des créatures marines dont je n’avais personnellement jamais entendu parlé, pourtant leurs histoires s’avèrent être particulièrement riches.

Présentation

Selkie par James Browne

Les selkies sont des êtres métamorphes issus du milieu marin. Elles sont capables de se transformer en phoque ou en être humain, simplement en enlevant ou au contraire en revêtant leur peau animale. Pratique n’est-ce pas ? De prime abord, je répondrais oui, mais je vous laisse découvrir la suite, et comment cette technique peut s’avérer dangereuse pour elles.

Elles sont apparues dans les traditions orales et la mythologie de diverses cultures, notamment celles d’origine celtique et nordique. Le terme « selkie » nous vient de la langue Scots avec pour origine le mot « selch », signifiant « phoque gris ». Il pouvait s’écrire sous différentes formes telles que : silkies, sylkies, ou encore selchies

La plupart des histoires nous présentent des êtres amicaux, pacifiques et serviables envers les humains. Leur beauté étant sûrement leur caractéristique phare. En effet, sous leurs formes humaines, les femmes selkies sont extrêmement séduisantes et font chavirer tous les cœurs qu’elles rencontrent.

Les idylles amoureuses avec ces créatures étaient donc fréquentes, impliquant également des rapports charnels, parfois même avec des enfants à la clé. Or, vous le verrez rapidement, les êtres humains, comme dans beaucoup de récits racontant leurs relations avec des créatures magiques, sont loin d’être remplis de bonnes intentions.

Une autre caractéristique que l’on retrouve dans toutes leurs légendes est leur fameuse peau animale. Sans elle, la métamorphose et le retour à la mer sont impossibles. Dans de nombreux contes populaires, la selkie est trompée et voit sa peau être volée ou cachée par l’humain, la condamnant alors à une vie uniquement terrestre, loin de ses congénères. D’autres versions, accordent à la peau en elle-même des pouvoirs qui lui sont propres, indiquant qu’un humain qui la porte trouvera le bonheur dans la vie.

De plus, leurs métamorphoses ne sont pas toujours libres. Là encore, il existe diverses variations. Certains décrivent une capacité de métamorphose à volonté, tandis que d’autres indiquent qu’il ne leur était possible de changer d’apparence qu’une fois par an, généralement à la Saint-Jean. Cette dernière se déroule le 24 juin et faisait partie des traditions païennes du solstice d’été, avant qu’elles ne soient appropriées par les chrétiens. De nombreuses histoires mettent aussi l’accent sur l’interdiction aux humains d’assister à cette transformation.

Les selkies apprécient les manifestations artistiques comme la danse, le chant ou la musique. Il était alors fréquent de les voir s’adonner à ces pratiques sur les plages et rivages, dépourvues de leurs peaux. Elles profitaient du soleil la journée pour se dorer la pilule, et chantaient et dansaient la nuit au clair de lune. 

Ces créatures sont particulièrement intéressantes, car elles illustrent la dualité entre la nature et la culture,  le sauvage et le civilisé, ou encore le marin et le terrien. Tout cela au travers d’histoires mêlant romance, drame, magie et mystère, qui reflètent les croyances et les valeurs des peuples qui les ont transmises. 

N. B : vous remarquerez que j’ai pu spécifier « les femmes selkies », car bien que la plupart des histoires tournent autour de ces belles demoiselles, il existe bel et bien des récits de selkies hommes. Ils sont réputés pour avoir des formes humaines tout aussi irrésistibles. Contrairement à leurs homologues féminines qui sont souvent capturées par les êtres humains, les selkies mâles attirent intentionnellement ces derniers vers la mer. 

Des origines diverses

Comme pour beaucoup de légendes, les versions de ces histoires se comptent par centaines et leurs origines ont été grandement discutées. Il est d’autant plus délicat de donner une date précise où ces récits ont commencé à être partagés, car ils découlent de la tradition orale. Ce qui les rend difficiles à appréhender avec certitude avant qu’ils ne soient consignés par écrit, en particulier entre les 18e et 20e siècles.

Une chose est sûre, ces origines se placent surtout chez les peuples ayant vécu à proximité de la mer et étant dépendants de celle-ci pour leur subsistance. 

Même si l’on retrouve des mentions de ces créatures chez les peuples scandinaves comme en Islande ou en Norvège, la distribution originelle du mythe semble se concentrer davantage sur une origine celtique. Il est possible de dessiner une aire géographique assez précise : allant de l’archipel écossais des Shetland, passant par les îles des Orcades pour ensuite venir glisser le long de la côte ouest de l’Écosse jusqu’en Irlande.

Cette série de timbres des îles Féroé, conçue par l’artiste Edward Fuglø, a été émise en 2007.

Pour les besoins de cette recherche, il est indispensable de citer le travail de Duncan Williamson. Contrairement aux Oxford Classic Scottish Tales, qui sont basés sur le travail de folkloristes victoriens du début du 20e siècle, Williamson était un collecteur d’histoires qu’il a lui-même entendues et écrites. Il est considéré comme l’un des plus grands détenteurs de la tradition écossaise. Et pour cause, voyageur dans l’âme, il a parcouru l’Écosse durant six décennies. Son héritage est considérable et son travail nous permet aujourd’hui de connaître des histoires et mythes transmis oralement de génération en génération, qui auraient sans doute été perdues sans lui. Il a rassemblé ses histoires sur les selkies dans une collection intitulée The Tales of the Seal People (1992) dans laquelle il présente quatorze histoires provenant de toute l’Écosse.

Afin de vous délivrer un panorama plutôt complet tout en restant digeste, voici une liste des variantes que j’ai pu rencontrer durant mon investigation sur l’origine de ces créatures : 

  • Dans les Orcades, vers le 18e/19e siècle, les influences chrétiennes ou païennes sont palpables. Beaucoup affirmaient que les selkies étaient semblables à des anges déchus, condamnés à vivre sous la forme d’un phoque jusqu’au Jugement dernier, ou encore qu’ils étaient autrefois des humains ayant commis un péché ou un délit. On retrouve sur ces îles d’autres versions où les selkies seraient des âmes noyées qui, une nuit par an, seraient autorisées à retrouver leur forme humaine originelle.
  • Le folklore irlandais regorge d’histoires, généralement d’hommes, ayant trouvé la peau d’une selkie et l’ayant cachée dans le but de l’épouser. Cette dernière se retrouve alors prisonnière et privée de la dualité qui la définit. Nous en avons un bon exemple avec le conte de Thady Rua O’Dowd (à lire en anglais ici : The Legend of the Selkie).
  • En Islande et sur les îles Féroé, les contes restent plutôt similaires à ceux que l’on trouve en Irlande. Le seul point de divergence qu’il serait intéressant de noter est que leurs histoires sont souvent plus sombres que celles des autres régions. En effet, plusieurs mentionnent que les selkies entraînent la mort de leurs geôliers. (une réponse plutôt justifiée au vu de leur captivité et de la privation de leur magie.)

Il me fallait vous mentionner l’une de ces légendes, celle du village de Mikladalur sur l’île Féroé de Kalsoy, que je vous laisse découvrir si l’envie vous prend (à lire en anglais ici : Kópakonan). Celle-ci est commémorée par une statue de la selkie appelée Kópakonan que je trouve tout simplement divine. 

La statue de Kópakonan, la selkie de Mikladalur, sa peau de phoque à la main. Érigée en août 2014.
Siegfried Rabanser, CC BY 2.0, via Wikimedia Commons

Vous vous dites sûrement que toutes ces histoires n’expliquent pas vraiment d’où nous vient cette croyance. N’ayez crainte, je vous ai gardé le plus intéressant pour la fin !

Cette théorie nous a été proposée par un folkloriste de l’époque victorienne et apparaît comme la plus plausible à considérer.

Elle nous explique que les peuples celtiques auraient rencontré une population autochtone scandinave nommée les Samis. Ces derniers étaient connus pour être des nomades des mers se déplaçant en kayak, mais aussi comme de grands chasseurs de phoques. Ils utilisaient ensuite les peaux de leurs proies pour en faire des manteaux. Leur moyen de transport était évidemment plutôt rudimentaire et finissait par prendre l’eau après de longs voyages. Alors, ils avaient pour habitude de s’arrêter sur les côtes afin de se dévêtir et de faire sécher leur vêtement.

Comment intégrer un-e ou plusieurs Selkies à votre récit ?

Les selkies ont inspiré de nombreuses œuvres d’art, de littérature, de musique et de cinéma au fil du temps. Elles offrent de nombreuses possibilités pour créer des univers fictifs originaux et captivants. Voici quelques pistes qui me sont venu à l’esprit :

  • Imaginer comment les selkies s’adaptent à un monde moderne où la mer est menacée par la pollution, le réchauffement climatique ou la surpêche.
  • Toujours dans la même idée : inventer une société secrète de selkies qui protège leur existence et leur culture face aux humains curieux ou hostiles.
  • Créer des conflits ou des alliances entre les selkies et d’autres créatures fantastiques, comme les dragons, les fées ou les vampires.

Explorer les thèmes de l’identité, de la liberté, de l’amour et de la loyauté à travers les dilemmes et les choix des selkies.

Souhaitez-vous découvrir d’autres créatures légendaires ?


2 réponses à “Les selkies, créatures mi-humaines mi-phoque”

  1. Bonjour,
    Sachez que j’aime votre site. J’ai vu qu’à chaque type de fantasy vous donnez des exemples dont des mangas et que vous avez parlé de pirates. C’est dommage que vous n’avez pas parlé de one piece et vous le classerais dans quel type de fantasy selon les deux classements.
    Cordialement.
    VC.

  2. Merci pour cet article ! Je connaissais l’existence et la légende « grosso modo », mais tous ces détails c’est vivifiant ! Ca donne envie d’écrire sur ces créatures 🙂

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