Plagiat, inspiration ou citation ?


Republication d’un article de mon ancien autre blog, Prom’Auteur.

A-t-on le droit de citer un passage d’une œuvre (un autre livre ou une chanson, par exemple) ou de faire une référence à un personnage réel ou fictif ? Peut-on plagier une idée ? Jusqu’où peut-on s’inspirer des romans de nos auteurs et autrices préférées ?

Aujourd’hui, j’aimerais éclaircir ces interrogations et venir à bout de quelques fausses idées en rappelant la différence entre ces trois concepts qui parcourent la littérature et qui font se poser beaucoup de questions de la part de beaucoup d’auteurs et d’autrices.

Le plagiat

Commençons par celui déchaîne le plus de passions et qui croule le plus sous les fausses idées.

Contrairement à une croyance répandue, le plagiat n’est pas le vol d’idée, mais le vol de forme. Le « vol » d’idée — notez les guillemets — s’appelle un emprunt et est beaucoup plus complexe à traiter qu’il n’y paraît et même rarement condamnable.

Juridiquement, qu’est-ce que le plagiat ?

Il faut savoir que le terme de plagiat n’est pas défini dans la loi. Dans le Code de la propriété intellectuelle, on parle de contrefaçon.

L’article 335-3 du CPI définit la contrefaçon comme étant toute reproduction, représentation ou diffusion, par quelque moyen que ce soit, d’une œuvre de l’esprit en violation des droits de l’auteur, tels qu’ils sont définis et réglementés par la loi.

Il y a donc plagiat lorsque l’on s’approprie le texte d’autrui tel quel (ou avec de trop infimes variations).

Quant aux emprunts, Hélène Maurel-Indart les classe en deux catégories dans son ouvrage Du Plagiat (Gallimard, Folio Essais, 2011) :

  • les emprunts directs qui comprennent : la reproduction, l’anthologie et la citation
  • les emprunts indirects qui comprennent : la traduction, la parodie, la similitude d’idées, l’analogie de sujet, l’adaptation, le résumé, l’analyse, la réminiscence, la coïncidence fortuite, l’imitation d’un style, d’une école ou d’une tendance, le cliché, poncif ou lieu commun, le centon, le pastiche

Il faut savoir que ces deux types d’emprunt sont licites, c’est-à-dire autorisés par la loi, sauf s’ils servent à dissimuler une contrefaçon.

Afin de déterminer la légitimité de ces emprunts il faut se baser sur 4 critères :

  1. la quantité : quel est le volume de l’emprunt ? Une phrase ? Un paragraphe ? Un chapitre ? L’œuvre entière ?
  2. la qualité : l’emprunt est-il direct ou indirect ? Est-ce une copie littérale ? Une réécriture marquée de la personnalité propre de l’emprunteur/emprunteuse ?
  3. l’intention : l’emprunt est-il conscient ou est-ce une inspiration inconsciente ?
  4. Le signalement : l’emprunt est-il signalé par une indication du nom de l’auteur ou de l’autrice originale ?

Pour plus d’informations, je vous invite à aller lire l’article d’Hélène Maurel-Indart : Le plagiat et les autres formes d’emprunt

Ainsi, protéger son manuscrit permet donc de protéger le texte et uniquement le texte, pas les idées.

Contrairement au Code de la propriété industrielle, qui permet de protéger des idées de nouveaux concepts, le Code de la propriété intellectuelle ne protège que la forme, que les mots des auteurs et autrices et non leurs idées. Ainsi, même si vous avez protégé votre roman de toutes les manières possibles et imaginables, si vous croisez un roman qui raconte la même histoire que la vôtre, mais qui est écrit dans une forme clairement différentiable de celle de votre roman, vous ne pourrez pas l’accuser de plagiat.

Les idées appartiennent à tout le monde et il est impossible d’interdire les autres d’avoir les mêmes idées que vous en même temps que vous.

L’inspiration

L’inspiration, elle aussi, souffre de quelques fausses croyances. Je ne compte pas parler de ces moments de grâce divine où une idée germe dans nos têtes, mais bien du fait d’aller chercher les idées chez d’autres, et ce, de manière consciente ou inconsciente.

Je croise beaucoup de personnes tétanisées à la simple idée qu’elles pourraient écrire une histoire, un personnage, une péripétie… qui ressemblerait trop à ce qui a déjà été écrit. Au-delà de la question de l’originalité à tout prix, ces personnes craignent de plagier d’autres auteurs et autrices.

L’une des premières choses qu’il faut se dire lorsque l’on commence à écrire, c’est que tout est déjà écrit. Il y a donc très peu de chance que vous écriviez quelque chose de 100 % original.

La deuxième chose dont il faut être conscient-e, c’est que l’Art n’est que plagiat. Quoi que l’on fasse, on ira toujours s’inspirer des autres. Que ce soit grâce à une musique qui nous inspire pour nous plonger dans une scène particulière à écrire, par une photographie qui fait écho en nous, par une histoire qui nous souffle d’autres histoires à raconter, par une personne qui nous marque et que l’on souhaite garder toujours près de nous en en faisant l’un de nos personnages, etc.

Les romans que nous écrivons ne sont, en vérité, que des assemblages des choses et des personnes que nous avons croisées au moins une fois dans notre vie. Quoi que nous fassions, nous nous inspirerons toujours des autres.

Là où les choses peuvent devenir problématiques, c’est lorsque nos inspirations, qu’elles soient conscientes ou pas, ne se différencient pas de ce qui a été fait avant. Ce qui différencie l’emprunt d’idée (illicite) de l’inspiration (licite), c’est la réappropriation que l’on fait de cette idée. Reprendre une idée telle quelle (avec les mêmes caractéristiques, les mêmes termes, etc.) est à la limite de l’illégalité, voire tout à fait illégal. Alors que si on reprend l’idée et qu’on la met à notre sauce, il n’y a rien d’illégal, ce n’est l’Art qui se poursuit.

La citation

La citation correspond au fait d’incorporer dans son récit des éléments ou passages issus d’autres œuvres que les siennes.

C’est une question qui turlupine énormément la communauté d’écrivains et d’écrivaines sur Twitter. Je croise très fréquemment des questions telles que : Est-ce qu’on a le droit de reprendre des paroles de chanson ? ; Est-ce que je peux réutiliser un personnage d’un autre roman ? Est-ce qu’on peut reprendre un passage d’un autre texte pour illustrer une idée ? Est-ce que je peux rendre hommage/faire un clin d’œil à telle œuvre en parlant d’un passage caractéristique ou en reproduisant une citation clé ? Etc.

À l’instar de l’inspiration, la citation, selon la manière dont elle est faite, peut être licite ou illicite.

Ce qui est permis :

  • Le recopiage d’un passage d’un autre écrit pour illustrer un propos ou donner de la profondeur à son récit. Dans ce cas, il faut préciser la source soit par une note de bas de page ou de fin d’ouvrage, soit en l’incluant dans la narration. Par exemple : « À la radio passait [nom de la chanson] de [nom de l’artiste]. Il aimait tellement cette chanson qu’il ne pouvait s’empêcher de reprendre le refrain à tue-tête : [paroles du refrain]. »
  • La récupération d’une expression connue et reconnue est parfaitement autorisée, à moins qu’elle n’ait été déposée par son auteur. Ainsi, nous pouvons parfaitement réutiliser des expressions telles que « Que la Force soit avec vous ! » ou encore « Bonjour chez vous ! » tout à fait librement.
  • La citation d’une marque, d’une personne réelle ou d’un lieu connu (comme un restaurant) est autorisée, sauf si c’est dans le but de diffamer ou de critiquer gratuitement la marque, la personne ou le lieu. Dans le cas d’une personne réelle, il faut également prendre garde à ne pas violer sa vie privée.

J’aimerais préciser que la loi autorise une exception au droit d’auteur, celle de la courte citation dans un but de critique, d’analyse ou d’illustration.

C’est d’ailleurs noté dans les références aux articles de loi que l’on trouve en début d’ouvrage :

« Le Code de la propriété intellectuelle et artistique n’autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d’autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite » (alinéa 1er de l’article L. 122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code pénal. »

En revanche, la réutilisation pour son compte d’éléments d’œuvres d’autrui est illégale. Ainsi, réutiliser un cadre spécifique (comme un lieu inventé) ou un personnage pour l’incorporer à son récit est illicite. Par exemple : utiliser Harry Potter comme personnage secondaire est interdit. En revanche, vous pouvez le citer pour illustrer votre propos comme ceci : « Lucas, avec ses cheveux en bataille, ses lunettes rondes et sa cicatrice en forme de flèche sur le front, me donnait l’impression qu’Harry Potter s’était échappé de son livre pour s’inscrire dans mon lycée moldu. »

Dès lors, les fanfictions (des récits qui prennent place dans des univers écrits par d’autres) sont parfaitement illégales, sauf si l’auteur/l’autrice les autorise, comme c’est le cas pour les romans de Dorian Lake de chez Noir d’Absinthe qui précise « Roman ouvert à la fanfiction pour un usage non commercial. »

Voilà ! J’espère que cet aura répondu à certaines de vos interrogations.

À bientôt !


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