3 Schémas narratifs type


Aujourd’hui, je voudrais parler avec vous de la notion de schéma narratif type et vous en présenter trois auxquels on ne pense pas toujours quand on écrit nos histoires.

Qu’est-ce qu’un schéma narratif type ?

Vous savez déjà que le schéma narratif constitue la trame générale d’un récit. Il est constitué de 5 grandes étapes :

  1. La situation initiale
  2. L’élément déclencheur
  3. Les péripéties
  4. La résolutions
  5. La situation finale

À lire aussi : Le Schéma narratif.

Ces 5 étapes sont très généralistes et leur ordre peut varier en fonction des besoins du récit. Ce schéma peut également être utilisé pour presque tous les genres. On note une exception pour les récits policiers qui répondent à leurs propres trames narratives.

Un schéma narratif type est un schéma narratif dont les étapes sont prédéfinies par le type d’histoire que l’on souhaite raconter.

Si un genre répond à des codes, un type d’histoire répond à des motifs. Ces fameux schémas narratifs types reprennent donc ces motifs dans un ordre plus ou moins strict pour créer une trame qui correspond au type d’histoire que l’on souhaite raconter.

Le schéma narratif type le plus connu est celui du voyage du héros créé par Vogler à partir du monomythe de Joseph Campbell.

Miissln, CC BY-SA 3.0, via Wikimedia Commons

Pourquoi les schémas narratifs type sont-ils intéressants ?

On va commencer par débunker quelques idées : 

  • NON, les schémas narratifs type n’appauvrissent pas les histoires
  • NON, les schémas narratifs type ne brident pas la créativité
  • NON, les schémas narratifs type ne créent pas d’histoires clichées 

Un schéma narratif type n’est qu’un squelette à votre histoire, votre créativité et votre originalité tiendront dans la manière dont vous habillerez ce squelette.

En outre, rappelez-vous que les contraintes développent notre créativité car elles forcent notre cerveau à résoudre des problèmes d’une façon inédite pour nous.

Les schémas narratifs type sont intéressants parce qu’ils nous permettent de :

  • gagner du temps lors de la préparation de la trame narrative de notre récit
  • respecter les codes et les motifs du genre que l’on s’est fixé (si c’est le cas, bien sûr)
  • faire preuve de créativité et d’inventivité pour répondre aux contraintes fixées par le genre

Connaître l’existence d’autres schémas narratifs que les trames connues (et poncées) nous permet également d’explorer autre chose. D’autres thèmes, d’autres motifs, d’autres personnages.

C’est pour cela que je voulais vous présenter 3 schémas narratifs type qui ne sont ni nouveaux ni même innovants, mais plutôt oubliés ou sous-estimés en Fantasy. 

1. La Catabase

La catabase, du grec ancien κατάϐασις / katábasis “descente, action de descendre”, n’est autre que le récit d’une descente volontaire aux enfers.

C’est un type de récit récurrent dans la mythologie grecque, mais aussi dans la littérature chrétienne du Moyen-Âge et de la Renaissance.

La catabase fait partie de la catégorie des récits initiatiques, au même titre que le voyage du héros, qui comporte lui-même une étape comparable à la catabase.

Le destin du personnage se joue sous terre et dans l’obscurité.

Kevin Pelladeaud, L’homme littéraire

Cette catabase peut se faire physiquement, spirituellement ou symboliquement.

Selon le contexte du récit ou l’époque de rédaction, cette descente aux enfers du héros peut avoir des buts différents :

  • Nécromantique : l’obtention d’un savoir ou d’un pouvoir des morts (on pensera à Aragorn qui va chercher une armée de fantômes)
  • Chamanique : rédemption, expiation des fautes, guérison, recherche d’âmes (Orphée qui descend dans l’Hadès pour retrouver l’âme de sa bien-aimée)
  • Initiatique : dépassement des peurs, abnégation du héros, découverte de son soi profond (Luke dans la caverne de Dagoba ; Gandalf contre le Balrog)
  • Symbolique : tirer de la force et épiphanie dans une situation où tout semble désespéré.

Les enfers eux-mêmes varient en fonction des récits et des époques. Ainsi, ce peuvent être :

  • le royaume des morts, l’Hadès grec
  • l’Enfer chrétien
  • l’intérieur de la Terre
  • une grotte, un égout, le métro abandonné, une mine…
  • la condition humaine, la société humaine, la moralité, les questions existentielles (thèmes très prisés au XIXe)

Les étapes de ce schéma narratif de la catabase

  1. La rencontre avec le guide
  2. Le passage de l’eau (un fleuve, une rivière, un lac, une baignoire…)
  3. La descente dans les “enfers”
  4. L’exploration de ces “enfers” et la confrontation avec ses pièges et obstacles
  5. La remontée
  6. Le retour à la lumière

Les motifs, éléments, récurrents de la catabase

  • Le guide : une personne qui va guider le héros à travers les enfers (Sibylle pour Enée, Virgile pour Dante, Gandalf pour la communauté de l’Anneau, Yoda pour Luke…).
  • L’eau : le passage d’un fleuve, d’un lac, d’une rivière ; la noyade dans une baignoire ; la chute dans un puits ; la pluie… L’eau tient une place prépondérante dans notre imaginaire et nos croyances pour ce qui est du passage d’un monde à l’autre.
  • La glace (le froid extrême) et/ou le feu (la chaleur extrême) : éléments inhospitaliers que l’on retrouvera dans les enfers.
  • Un environnement sombre et sans soleil
  • Une descente : le héros doit effectuer l’acte de descendre dans une grotte, un escalier, une chute, une échelle…

La notion inverse de la catabase est l’anabase qui parle de la montée de l’esprit vers les cieux, le Paradis ou la rédemption. Anabase vient d’ailleurs du grec ancien ἀνάϐασις / anábasis qui signifie “ascension, l’action de monter”.

NB : Dans son récit L’Expédition des Dix-Mille, Xénophon décrit l’anabase comme le voyage des marins de la mer vers la montagne (ascension), la catabase comme leur descente de la montagne vers la mer et la parabase comme leur voyage en mer.

2. Le Chevalier Errant

Le chevalier errant est un mythe littéraire et un personnage type de la littérature médiévale qui a connu son âge d’or au XIIe siècle.

Ce type de récit raconte les errances de chevaliers à travers diverses contrées à la recherche de nobles exploits à accomplir pour prouver leurs valeurs chevaleresques et honorer leur Dame ou leur Seigneur.

L’errance constitue le principe de l’histoire et l’honneur est, le plus souvent, le déclencheur du récit. Et le thème principal de toute la littérature chevaleresque.

Pour rappel, un chevalier est un soldat d’élite à cheval d’origine noble qui doit respecter un code d’honneur et remplir trois devoirs :

  • le devoir de prouesses (faire preuve de courage)
  • le devoir de largesse (faire preuve de générosité sans rien attendre en retour)
  • le devoir de courtoisie (faire preuve de respect, de savoir vivre et d’honnêteté)

À lire aussi : La Chevalerie

L’honneur est un thème central car c’est la plus haute valeur du chevalier. Cependant, il est difficile à conserver. Il n’est jamais acquis et demande sans cesse à être prouvé par l’accomplissement de nombreux exploits qui prouvent que le chevalier est toujours digne de son titre.

C’est pourquoi le chevalier errant dédie entièrement sa vie à des causes supérieures pour incarner ses valeurs morales.

Il renonce au monde et à sa famille pour accomplir sa quête.

Bien entendu, le chevalier errant est idéalisé. C’est un mythe qui représente les aspirations du public auquel il est destiné : les nobles et la royauté.

Si l’honneur est le moteur principal de l’histoire, les buts peuvent être variables. Ainsi, le chevalier peut entreprendre son errance pour :

  • réparer ses torts (ou ceux d’un proche)
  • affirmer ses propres idéaux chevaleresques (idéaux souvent illusoires)
  • défendre des opprimés
  • accomplir une quête pour sa Dame ou son Seigneur
  • prouver son amour (courtois) à sa Dame

La Dame

Il est important de souligner que la Dame de ce type de récit n’a rien d’une damoiselle en détresse qu’il faut sauver. Au contraire !

Il s’agit d’une dame de la noblesse, qui est valeureuse et autonome.

La relation qui s’établit entre ces deux personnages est réciproque et complémentaire : pour acquérir de l’honneur, le chevalier a besoin d’elle ; la Dame a besoin du chevalier, son Champion, pour protéger et accroître son honneur à elle.

C’est une forme de vassalité : le chevalier est au service de la Dame et celle-ci lui offre des privilèges.

Les Dames de ces récits tiennent des rôles importants : elles peuvent sauver ou entraver le chevalier.

Les étapes du schéma narratif du chevalier errant

  1. L’adoubement (facultatif)
  2. La ou les quêtes
  3. L’accomplissement ou l’échec de la quête
  4. La récompense (qui peut être le simple accomplissement de la quête, la récompense accordée par le Seigneur, le mariage avec la Dame de ses pensées…) ou la mort/le déshonneur et la reprise de l’errance

Les motifs récurrents du chevalier errant

  • L’aventure solitaire (ou avec un fidèle écuyer)
  • La quête au gré du hasard
  • L’adoubement qui permet de rendre le chevalier et ses actes légitimes
  • La lance (v. art. Les armes d’Hast)
  • L’épée (v. art. Les épées)
  • Le départ au lever du soleil
  • Le départ d’un lieu hospitalier (château, ville), symbole d’Ordre et de Justice, vers un lieu inhospitalier (forêt, grotte, désert, montagne…), symbole de Chaos et de Barbarie
  • Les monstres (géants, dragons, enchanteresses, sorciers…)

La forêt en particulier est un motif très représenté dans la littérature chevaleresque. Elle est le lieu de l’aventure par excellence. Elle symbolise le mystique, la magie, le merveilleux et cristallise les peurs. C’est un lieu d’affrontement entre l’Ordre et le Chaos. C’est aussi le lieu de toutes les rencontres extraordinaires, bonnes et mauvaises.

Quelques chevaliers errants

  • Ulysse
  • Aragorn (qui regagne son honneur et, par là, sa légitimité à son titre de roi et la main d’Arwen)
  • La jeune reine dans La Belle et le fuseau de Neil Gaiman
  • Les romans de la Table Ronde du cycle arthurien

La Robinsonnade

La robinsonnade est une histoire de survie en milieu hostile. Il s’agit d’un sous-genre du roman d’aventure.

Ce type de récit est né en 1719 avec la publication du roman Robinson Crusoé de Daniel Defoe, roman qui a d’ailleurs donné son nom au genre.

Dans une robinsonnade, on raconte l’histoire d’un personnage ou d’un groupe de personnages qui arrive par hasard dans un endroit inhospitalier, dangereux et isolé, et qui doit se débrouiller pour survivre.

C’est aussi une forme de récit d’apprentissage : le héros doit développer des qualités d’ingéniosité, de patience et d’endurance pour résoudre des problèmes de la vie quotidienne.

Ce genre fonctionne très bien parce que l’être humain est fasciné par ce que ses semblables sont capables de faire pour survivre dans un environnement hostile.

Il n’y a qu’à regarder le succès de Koh-Lanta, ou encore de la série Lost.

En 1999, émerge un nouveau sous-genre de la robinsonnade : le battle royale.

Ce sous-genre issu du récit éponyme de Kōshun Takami ajoute une difficulté aux robinsons : survivre dans un milieu hostile alors que l’on essaie de les tuer.

Les étapes du schéma narratif de la robinsonnade

  1. Scène préliminaire permettant de présenter le ou les futurs robinsons dans leur milieu d’origine.
  2. Le départ, volontaire ou pas.
  3. Le voyage, qui peut être de longueur variable et sert à justifier l’arrivée sur l’île. Il peut également raconter des péripéties faisant office d’épreuves qualifiantes pour le ou les héros.
  4. Le naufrage qui peut prendre différentes formes comme un vrai naufrage, un crash, un coma, un évanouissement, une exclusion de la communauté… Cette étape marque la mort symbolique du ou des personnages avant leur renaissance sur l’île.
  5. L’arrivée sur l’île, séquence tellement récurrente qu’elle en est devenue une scène de genre. Elle permet également une première description des lieux, qui sont soit ouvertement hostiles, soit paradisiaques.
  6. Le séjour sur l’île répond au schéma de la pyramide des besoins de Maslow : le ou les robinsons doivent trouver ou fabriquer un “logement”, de la nourriture, des outils… Cette étape du récit constitue la plus grosse partie de l’histoire.
  7. Le sauvetage : l’équipe de sauvetage peut arriver sur l’île soit suite à un message du robinson, soit par hasard. Quant au robinson, il peut choisir de repartir ou de rester sur son île.
  8. La séquence finale, de longueur variable, présente le robinson dans l’environnement qui est désormais le sien : soit le retour à la civilisation, soit sa vie sur son île.

NB : lorsque je parle d’île, ici, il n’est pas nécessairement question d’une île déserte, mais du lieu isolé, inconnu et hostile dans lequel se déroule la robinsonnade.

Les motifs récurrents de la robinsonnade

  • L’espoir de secour et le refus de quitter les habitudes “civilisées”
  • L’épreuve de la solitude
  • La rencontre avec un-e indigène qu’il faut civiliser ou, au contraire, qui apprend au robinson la “vie sauvage”.
  • La montre cassée qui symbolise la rupture d’avec le temps d’avant.
  • La tempête, épreuve que le robinson doit affronter sur son île et qui le force souvent à recréer ce qu’il avait fabriqué.
  • Le sauvetage manqué
  • Le désespoir
  • Les hallucinations, voire la folie
  • La réalisation d’objets du quotidien

Quelques robinsonnades

  • Robinson Crusoé de Daniel Defoe
  • Lost
  • Koh-Lanta
  • Battle Royale de Kōshun Takami
  • Hunger Games de Suzanne Collins
  • Fortnite
  • Squid Game
  • Seul sur Mars d’Andy Weir
  • Les Fauves de Manon Toulemont
  • The Walking Dead de Robert Kirkman, Tony Moore et Charlie Adlard
  • Lecteur Omniscient de Sing Shong

Voilà ! C’est tout pour aujourd’hui, et je crois que c’est déjà pas mal… 😉

J’espère avoir satisfait votre curiosité en rédigeant cet article pour lequel vous avez voté 😉

Dites-moi : lequel de ces 3 schémas narratifs vous inspire le plus ?

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